Comment la RPA transforme Finance et Assurance

En 2024, les entreprises ont continué à adopter la RPA (Robotic Process Automation) pour améliorer leur efficacité opérationnelle, réduire les erreurs et optimiser les coûts. Parmi les principaux consommateurs d’automatisation robotisée de processus, on retrouve le secteur Finance ainsi que celui de l’assurance. En effet, ces deux secteurs se prêtent particulièrement bien à cette solution en raison de la nature répétitive et standardisée de nombreuses tâches administratives et opérationnelles dans ces secteurs, avec un objectif de taux d’erreur le plus faible possible car pouvant avoir des conséquences majeures.

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Evolution du recours à la RPA pour les principaux secteurs utilisateurs entre 2020 et 2024

D’autres secteurs que la Finance et l’Assurance recourent fortement à l’automatisation des tâches. Selon les secteurs, la RPA est mise en place pour effectuer des tâches de types différents :

  1. Finance et Assurance : conformité réglementaire ; entrée de données ; traitement des dossiers sinistres

  2. Santé : gestion des dossiers patients, des facturations et des processus administratifs

  3. Manufacturing : gestion des inventaires ; gestion des commandes ; conformité et rapports

  4. Secteur Public : accélération de la dématérialisation des processus (transfert de pièces justificatives, dépôt en gestion électronique documentaire) ; amélioration du lien avec les citoyens (envoi automatique d’information, email, notification, RPA combiné avec un chatbot)

  5. Grande Distribution : gestion des stocks, des commandes et des expéditions ; promotions commerciales ; facturation et gestion des paiements

  6. Telecom : gestion des réseaux et configuration des éléments réseau ; gestion de la relation clients

Penchons-nous sur 2 cas d’usage dans le secteur banquier et financier et les assurances.

Finance : améliorer les processus KYC (Know Your Client)

Les services bancaires et financiers sont soumis à des obligations sévères dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (connue en France sous le terme LCB-FT, Lutte Contre le Blanchiment de capitaux et le Financement du Terrorisme). Parmi les principales obligations, on trouve :

  • Directives Anti-Blanchiment de l'UE (AML, Anti Money Laundering) : ces directives exigent des institutions financières qu'elles effectuent une diligence raisonnable approfondie sur leurs clients. La 6ème directive AML, adoptée en 2018, a renforcé ces exigences.

  • Loi Sapin II (France) : cette loi, adoptée en 2016, impose aux entreprises de recueillir et de vérifier des informations sur leurs clients et bénéficiaires effectifs.

  • Recommandations du Groupe d'Action Financière Internationale (GAFI) : le GAFI établit des normes internationales pour prévenir le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Les institutions financières doivent se conformer à ces recommandations pour assurer une vigilance adéquate.

Afin de se conformer à ces obligations de vigilance, les institutions bancaires et financières mettent en place des processus dits KYC (Know Your Client) qui visent à vérifier l'identité de leurs clients. Le client est identifié par les informations de base qu'il fournit (noms, adresse, date de naissance,...), les documents correspondants sont collectés (pièce d'identité, justificatif de domicile, KBis pour les entreprises, …), contrôlés et validés (recours à des bases de données internes ou externes comme des listes de sanction). Un niveau de risque est alors associé à chaque client, entraînant de la part de l'institution une vigilance plus ou moins importante selon le profil. Ces opérations effectuées à l'ouverture du compte se complètent d'une vérification régulière et minutieuse des transactions financières, d'un signalement aux autorités compétentes et de la prise de mesures (comme le gel des avoirs) en cas de de détection de schémas inhabituels ou d'activités suspectes.

Il va sans dire que ces tâches sont chronophages, fastidieuses, répétitives, sans grande valeur ajoutée, mais qu'elles doivent être accomplies avec un taux d'erreur proche de zéro. En effet, les amendes peuvent être salées. En France, elles peuvent atteindre en principe jusqu'à 5 millions d'euros pour les individus, et jusqu'à 100 millions d'euros ou 10 % du chiffre d'affaires annuel pour les entités juridiques. En 2023, l’amende la plus élevée en France a été d’un peu moins de 1,5 M€, mais au niveau mondial elle a été de 4,3 Md$. Le montant le plus élevé au niveau mondial a pour l’instant été infligé à HSBC en 2012 : 1,9 Md$ pour des violations graves des réglementations AML.

Ainsi, en 2023, les institutions financières ont écopé d'un total de 6,6 milliards de dollars d'amendes pour non conformité AML, en particulier pour procédures KYC inadéquates. Ce montant était en augmentation de 57 % au niveau mondial par rapport à l’année précédente, et les amendes ont augmenté dans toutes les régions, à l'exception de la région EMEA où elles ont chuté de 93 % par rapport à 2022.

Graphiques des principales amendes AML en 2023

Principales amendes AML, 2023 (source : gatenox.com)

Graphique de la répartition des amendes AML en 2023

Répartition des amendes AML par secteur, 2023 (source : gatenox.com)

La RPA s'avère donc extrêmement précieuse dans le cadre du KYC :

  • elle libère du temps pour les employés qui peuvent se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée ;

  • elle réduit considérablement le risque d'erreur, dont les conséquences dans le cadre des institutions financières peuvent être très lourdes ;

  • elle offre une traçabilité des vérifications effectuées, pouvant être utile en cas de contrôle ;

  • en travaillant vite, sans pause, elle réduit les délais d'intégration des nouveaux clients, ce qui améliore l'expérience client (en 2024, 67 % des banques interrogées par Fenergo ont déclaré avoir perdu des clients à cause d’un on-boarding lent et inefficace). 

Assurance : gérer l’historique des SI

Après l'utilisation dès les années 1930 et 1940 de machines mécanographiques pour gérer des tâches complexes telles que le calcul des primes et la gestion des polices, puis l'adoption dans les années 1950 des premiers ordinateurs électroniques pour des opérations plus complexes comme la gestion des sinistres et l'analyse actuarielle, le secteur de l'assurance a durant les années 1970 et 1980 adopté les mainframes et les bases de données relationnelles ce qui a permis l'amélioration du traitement des réclamations et de l'évaluation des risques. 

L'informatisation du secteur des assurances, comme le secteur bancaire, est donc ancienne. Il en est de même pour une bonne partie de leurs systèmes d'information. Ainsi, 42 % des entreprises de ces secteurs utilisent encore des systèmes historiques reposant sur COBOL. Ces systèmes avaient de plus été conçus pour traiter en masse de grands volumes de données de façon sécurisée, pas pour être interconnectés. Ajoutez à cela la tendance à la consolidation des sociétés d'assurance en France qui s'est intensifiée ces dernières années, avec des assureurs cherchant à renforcer leur position sur le marché et à diversifier leurs activités face aux défis réglementaires et économiques. En 2020, malgré la crise de la Covid-19, environ 30 opérations de fusions-acquisitions ont été enregistrées dans le secteur de l'assurance. Cette dynamique s'est poursuivie en 2021 avec un nombre similaire d'opérations. Une bonne partie des sociétés se retrouvent alors avec plusieurs SI (15 à 20 systèmes de gestion différents coexistent chez la plupart des assureurs et mutualistes français), adaptés et optimisés pendant des décennies, fonctionnant encore et remplissant des fonctions critiques, mais devenus rigides avec le temps, compliqués à intégrer, difficiles, risqués et coûteux à faire évoluer. Et on sait que les assureurs sont par nature plutôt allergiques au risque.

Afin d'assurer un fonctionnement efficace, la RPA s'impose de nouveau comme une solution pertinente. Elle permet de copier des informations d'un système à l'autre avec un taux d'erreur très faible, d'extraire des informations des documents de type très différents transmis par des canaux multiples par les assurés dans le cadre de la gestion de sinistre, … sans toucher aux systèmes hérités et en préservant le bon fonctionnement des opérations quotidiennes.

En conclusion…

Depuis son émergence il y a quelques années, la RPA a évolué d'une technologie émergente à un pilier essentiel de l'efficacité opérationnelle pour de nombreuses organisations. Initialement utilisée pour automatiser des tâches simples et répétitives, elle a démontré son potentiel en termes de réduction des coûts et de diminution des erreurs humaines. L'adoption de la RPA a été particulièrement marquée dans les secteurs de la finance et de l'assurance, où elle a transformé des opérations coûteuses et laborieuses en workflows fluides et efficients. Aujourd'hui, la RPA se positionne donc non seulement un outil d'optimisation, mais également un catalyseur de transformation numérique.

Par ailleurs, l'intégration de l'intelligence artificielle (IA) avec la RPA ouvre de nouvelles perspectives encore plus prometteuses. L'IA, avec ses capacités d'apprentissage automatique et de traitement du langage naturel, permet d'aller au-delà de l'automatisation des tâches répétitives. Par exemple, elle permet d’analyser de vastes ensembles de données pour identifier des schémas et des anomalies, prédire des tendances et améliorer la prise de décision. Dans le secteur Finance, l'IA peut renforcer les processus KYC (Know Your Client) en détectant plus efficacement les comportements suspects et en adaptant les niveaux de vigilance en temps réel. Dans l'assurance, l'IA combinée à la RPA peut automatiser non seulement la gestion des sinistres, mais aussi optimiser la souscription des polices en évaluant plus précisément les risques grâce à l'analyse des données historiques et actuelles. Cette synergie permet une réduction des délais de traitement, une diminution significative des erreurs et une amélioration de l'expérience client, tout en assurant une conformité rigoureuse avec les régulations en vigueur.


Mathilde Régnier-Dulout

Mathilde est Ingénieure de l'Ecole Centrale de Nantes et titulaire d'un Master Recherche (DEA) auprès du Laboratoire d'Automatique de Nantes, sur la "Normalisation de réseaux de communication de systèmes hétérogènes embarqués" pour le G.I.E. PSA-Renault. Elle est également titulaire d'un Master 2 en Management et Administration des Entreprises.

Sa vision du métier de consultant : conjuguer expertise technologique, pragmatisme et accompagnement sur mesure. Avec Syntropy, elle s’attache à répondre aux défis spécifiques de ses clients, en les accompagnant vers des solutions pérennes et innovantes.

https://www.linkedin.com/in/mathilde-regnier-dulout/
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